La vérité sur la désinformation


Cher(e) toi,

J'espère que tu vas bien. Moi ça va. Enfin, je crois. Je n'étais pas sûr de t'écrire ce dimanche, parce que depuis que j'ai quitté ma petite île de Bali pour 2 mois en France, j'enchaine les rendez-vous, les sollicitations, le stress, et j'ai déjà perdu 90% de mes capacités d'attention, merci.

Mais je me dis que je dois faire un effort.

 ❤️ Avant de commencer, si tu ne me connais pas, je me présente : je suis Benoît Raphaël, co-fondateur de Flint. Et un dimanche sur deux, je réfléchis avec toi sur la façon dont nous pouvons parvenir à penser par nous-mêmes dans le chaos de l'info. D'ailleurs, si on t'a fait passer cette lettre,tu peux t'abonner ici.

Dans cette édition, je te propose les vraies raisons de la montée de la désinformation (et ce n'est pas l'intelligence artificielle), on parlera aussi des nouveautés de ChatGPT, de son fondateur qui demande au gouvernement de réguler (mais pas trop) , du nouveau Flint à venir, et de l'atomisation de nos sociétés. ❤️



(Pourquoi ces photos ? Hum... je ne savais pas quoi mettre et c'est aussi pour te montrer la tête que j'avais avant de débarquer à Paris après un an de Bali, à gauche. ET ma tête... à Paris, sur laquelle j'ai déjà l'air trèèèès fatigué, à droite...).

Tu sais, je me dis parfois que ces lettres que je t'écris le dimanche, et toi qui me lis, qui parfois me réponds, c'est hyper important.

Parfois, quand je ne me sens vraiment pas à ma place, quand je doute, quand je me sens trop différent, trop ceci, pas assez cela, je me dis toujours que, chaque dimanche, il y a 10.000 personnes qui ouvrent cette lettre et prennent le temps de me lire.

Tu ne réalises pas à quel point je prends ces lettres au sérieux.

Je te dérange le dimanche matin, tu me fais ce cadeau incroyable de me donner un peu de ton temps précieux, ça m'oblige.

Je ne m'autorise jamais de t'écrire quelque chose qui ne t'apporte pas un supplément d'âme ou d'intelligence. Même s'il m'arrive d'être parfois à côté de la plaque.

Alors je vais te confier un truc.

Il y a quinze jours, j'étais invité à un atelier qui réunissait "10 personnalités du monde de l’information" (donc moi et d'autres personnes visiblement) autour de la ministre de la Culture de la France, dont je ne connaissais ni le nom ni le visage.

À ma gauche, deux "personnalités" discutaient du concept "d'être connu". Les deux personnalités en question passaient beaucoup à la télé en ce moment du coup elles se prenaient parfois des insultes sur Twitter. Et le premier,  qui avait plus d'expérience en "célébrité", donnait des conseils à l'autre qui découvrait le truc mais trouvait ça cool parce que ça voulait dire qu'elle était un peu célèbre maintenant.

Je suis bien content que personne ne m'ait demandé si moi aussi j'avais des "trolls" (troll = personne qui t'insulte sur Twitter), parce que j'aurais dû répondre non et on m'aurait regardé d'un air triste.

À un moment Pierre Haski (que j'aime bien) est arrivé en souriant
mais je ne suis pas sûr qu'il ait dit quelque chose à part manger un sandwich au saumon (si tu ne connais pas Pierre Haski, tu es sans doute de droite : c'est le chroniqueur plutôt brillant qui parle de géopolitique tous les matins sur France Inter).

Le problème quand il y a un ou une ministre dans la salle, c'est que tout le monde essaie de se faire remarquer par le représentant du pouvoir plus que d'essayer de réfléchir à la question qui était posée. Tout le monde crache sur les politiques, mais quand on se retrouve face aux puissants on ne peut pas s'empêcher d'essayer d'exister.

Bon moi je m'en foutais un peu puisque je repartais à Bali à la fin du mois, mais tout le monde n'était visiblement pas de cet avis.

Je ne suis pas sûr d'avoir dit des trucs super intéressants
vu qu'on me coupait la parole régulièrement d'un air énervé. Personne n'était vraiment d'accord en fait, sauf sur l'idée que les fake news c'était vraiment une menace super importante pour la démocratie et qu'il fallait faire quelque chose. J'ai essayé d'expliquer que, attention, cette discussion me faisait un peu penser au débat sur l'islamisme et le terrorisme.

Que, comme pour le terrorisme, les acteurs derrière la désinformation avaient justement comme objectif de faire péter les plombs aux démocraties et de nous pousser à des mesures autoritaires et défensives.

Qu'avant de crier à l'apocalypse (genre les fake news détruisent la démocratie) il fallait peut-être s'interroger sur leur impact réel. Et peut-être, si j'osais suggérer un peu de nuance, s'interroger sur les causes plus profondes, pour ne pas dire structurelles, de la désinformation galopante, c'est à dire : la perte de confiance dans les médias et leur fragilité financière qui les mettait entre les mains des milliardaires.

Et que, donc, se contenter d'accuser Facebook ou les complotistes ne nous faisait pas vraiment avancer.

Bon, évidemment, je me suis pris un gros vent.

Dans ce type de réunion, le but n'est pas de réfléchir mais de briller. J'aurais dû relire "Illusions perdues" de Balzac. Mettez une personne de pouvoir dans la place et plus personne ne réfléchit.

Tout le monde méprise les politiques, mais tout le monde est fasciné par le pouvoir.

L'animateur de l'atelier (que j'aime bien aussi) a conclu l'échange en disant un truc du genre "eh bien, merci à tous, c'était super intéressant, bon j'ai l'impression que Benoît n'a convaincu personne mais lisez son livre il est intéressant". Sur quoi la ministre dont je n'arrive toujours pas à me souvenir le nom a répondu en mode poli "oh non non mais pas du tout". Bref.

Alors que je m'en allais piteusement, Pierre Haski m'a attrapé par le bras pour me dire qu'il aimait bien mes vidéos depuis Bali, j'ai répondu d'un air un peu ahuri "ah bon ?". Et puis je suis parti en ayant eu le sentiment de n'avoir servi à rien.

Tandis que je me rendais à mon prochain rendez-vous sur un vélo de location, j'ai repassé dans ma tête tout ce que j'aurais pu dire d'intéressant mais que j'avais oublié de dire, ou pas réussi à exprimer clairement, et puis je me suis demandé "mais à quoi ça aurait servi en fait ?".


(Image générée par l'IA)

La ministre a aussi annoncé la tenue prochaine d'Etats Généraux de la Presse pour travailler ensemble à ces questions très inquiétantes. Du coup je me suis souvenu de ceux auxquels j'avais participé en 2008, à l'initiative du président Sarkozy.

Bon, pour être honnète, je n'avais pas vraiment été invité, mais un pote qui ne pouvait pas venir m'avait filé sa place. J'étais super excité. Je me disais que tous ces grands patrons des médias allaient enfin se mettre autour de la table pour parler de ré-invention. Haha.

Dans mon groupe, il y avait l'ex patron de l'Express, Christophe Barbier, avec son écharpe rouge et son alliance toute neuve (il s'était marié la semaine précédente en présence de Carla Bruni et de son mari président si je me souviens bien). Il a patiemment attendu son "moment" en répondant à ses sms sur son téléphone. Quand son tour est arrivé, il s'est levé, a fait un discours brillant sur le fait qu'Internet c'était pas si mal quand on savait s'y prendre (comme lui), et on ne l'a jamais revu. Comme tous les autres gens importants.

Un type à côté de moi (un vieux avec plus beaucoup de cheveux) a conclu ce débat complètement pourri en disant : "Bon, on est d'accord ? On s'en fout de ce qui ressortira de ces réunions, l'essentiel c'est de s'assurer que l'Etat augmente ses aides financières à la presse à la fin de cette mascarade". Tout le monde a acquiescé en rigolant.

En même temps, je le comprenais un peu, ce n'était pas à l'Etat de régler les problèmes de la presse.

Le jour de la cérémonie qui clôturait les Etats-Généraux, chaque groupe a donc présenté ses propositions à coup de grandes phrases inspirées, et puis Sarkozy a remercié les gens et s'est dirigé vers la sortie. J'ai alors assisté à une scène étonnante.

Tandis qu'il traversait la salle, le président était suivi par une petite troupe de patrons de médias. Tous essayaient de lui dire un truc. Parmi eux, le directeur de la rédaction d'un journal de gauche (donc pas vraiment pro-Sarkozy) qui lui disait, "mais bon alors pour les aides, hum, vous pensez que mon journal pourrait en avoir un peu plus ?"

Le président l'écoutait en hochant un peu la tête. Opération réussie, devait-il se dire.


(Image générée par les humains de l'Elysée)

La semaine suivante, j'ai été invité à diner chez la ministre, en compagnie d'autres "acteurs" de l'intelligence artificielle. Bon, on a surtout parlé culture et art évidemment. Discussion passionnante d'ailleurs avec des gens très intéressants, mais j'ai plus écouté que parlé.

Mais au moment du dessert (un gâteau aux fruits je crois) on m'a demandé ce que je pensais de l'impact de l'IA sur l'information. Alors j'ai à nouveau essayé d'expliquer que, hum, avant de regarder le doigt (l'IA), il faudrait peut-être s'intéresser à la "lune" (l'état de l'information et du journalisme par exemple). Rapport à l'histoire de l'idiot, du doigt et de la lune, tu vois.

Parce que l'IA n'étant qu'un outil, certes très puissant, la vraie question ne serait-elle pas, par exemple, madame la ministre, de s'intéresser avant tout à qui l'utilise et pourquoi ? Et surtout sur quel terreau les acteurs malveillants se servent de ces outils ?

Bon, à ce moment là, la ministre a reçu un texto et a quitté la table pour appeler je ne sais pas qui. Du coup j'ai continué mon explication devant un parterre d'artistes de l'IA qui m'écoutaient poliment en machant leur dessert tout en faisant "Ah aaah...".

Et puis on a tous posé pour cette jolie photo, digne de la rubrique galette des rois du journal de la mairie.


(Image générée par un humain du ministère de la Culture)

Alors je continue pour toi, si tu le veux bien . De quel terreau parle-t-on ?

Eh bien c'est comme les patates.

Si tu produis les mêmes patates de façon industrielle, avec un modèle économique déficitaire, tu auras toujours des gens qui hackeront le système pour proposer des patates moins chères et plus fun, mais certainement très toxiques.

Mais si tu as les moyens de produire des légumes variés, de bonne qualité, avec une bonne traçabilité, eh bien les petits malins producteurs de patates toxiques (les fake news par exemple) auront plus de mal à les écouler.

Ça me semble assez simple comme idée.

L'IA peut venir agraver le problème, bien sûr, et elle peut aussi l'améliorer.

Mais bon, elle a bon dos, l'IA.

On ne pourra pas régler la question de la désinformation sans s'attaquer au problème de... l'information : c'est à dire celui de la confiance dans les médias, et celui de la fragilité financière de ces derniers. Tout le reste est superflu, et frôle l'hypocrisie.

Et là encore, il y a une règle très très simple, qui marche à tous les coups : si tu as l'audience et la confiance, tu n'as pas de problème de modèle économique. 

Ah bon ?

Oui.

Voilà. Fin du cours.

Non je déconne. Si tu veux, on peut creuser encore. Et si ça t'ennuie, tu peux passer à la section suivante.

Creusons un peu...

Tu restes avec moi ? Cool !

Attention je vais donner plein de références historiques ou scientifiques (mais tu pourras retrouver les sources dans mon livre).

Alors, si tu veux comprendre comment l'information se fabrique, tu dois d'abord comprendre comment le journalisme s'est construit.

Par exemple, il y a une grande différence entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France. Aux Etats-Unis, les journaux ont été des acteurs essentiels de l'indépendance du pays. Ils ont structuré la nation américaine. C'est d'ailleurs pour cela que tous les journaux américains sont des journaux locaux.


(Image générée par Rembrandt, un humain très connu)

Le président Thomas Jefferson a d'abord défendu les journaux. En 1787 il écrivait : 

"S'il m'appartenait de décider si nous devrions avoir un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je n'hésiterais pas un instant à préférer la seconde solution. Mais je voudrais que tout le monde reçoive ces journaux et soit capable de les lire."

Avant de changer d'avis quelques années plus tard, en 1807, dans une diatribe digne de Donald Trump : 

"On ne peut plus rien croire de ce que l'on voit dans un journal. La vérité elle-même devient suspecte en étant mise dans ce véhicule pollué. L'ampleur réelle de cet état de désinformation n'est connue que de ceux qui sont en situation de confronter les faits qu'ils connaissent aux mensonges du jour."

Le journalisme, contrairement aux idées reçues, est une profession jeune. Et très immature. Il s'est construit n'importe comment. Surtout en France.

On peut définir la méthode scientifique, on peut aussi parler de la noblesse du contre-pouvoir judiciaire, mais il est plus difficile de cerner le rôle et l'utilité du journaliste.

Je me souviens de l'un de mes anciens mentors en journalisme, quand je lui demandais : "mais tu es sûr que je peux dévoiler ces infos ? Quel sera l'impact derrière ?" Il me répondait : "Ton rôle c'est de rapporter les faits, quelles qu'en soient les conséquences". Je trouvais ça hyper compliqué. J'ai démarré en presse locale. Dès que tu donnes un nom, dès que tu parles d'un truc, tu as le pouvoir de détruire une vie. Mon mentor me disait : "n'y pense pas".

C'était violent, certes, surtout si l'on se trompait. Mais que voulait-il dire par là ?

Ce qu'il me disait, au fond, c'était que le journalisme était la science de la démocratie. Le journalisme devait avoir une règle : informer les citoyens, quoi qu'il en coûte. On a le droit de s'en méfier. On a le droit de leur demander des comptes, de la transparence. Mais sans journalistes, que reste-t-il au peuple ? C 'est à dire à nous tous ?

Sacrée responsabilité. Le journalisme était-il suffisamment outillé pour l'assumer ?

Non.

Cette semaine j'ai découvert une série qui m'a beaucoup touché, sur Disney+ (le Netflix de Disney). La série s'appelle "Alaska Daily". C'est une fiction, mais elle s'inspire d'une histoire vraie. Les journalistes d'un quotidien local en proie à de  graves difficultés financières enquêtent pour révéler un terrible système d'omerta, qui ignorait jusqu'ici les disparitions de femmes "natives", assassinées, violées. Tout le monde s'en foutait.


(Image générée par un humain de chez Disney)

Le travail des journalistes a permis à la population locale de réaliser que quelque chose n'allait pas. Et d'aider à résoudre le problème. Et, au bout du compte, à renforcer la communauté.

La démocratie ne suffit pas. Le système judiciaire non plus.  Ni même la science. Thomas Jefferson avait raison : la presse fait peuple.

La presse n'a pas de  responsabilité politique.

Elle a une autre responsabilité, plus amère : celle de nous confronter aux faits. Même quand ils dérangent. Elle est le dernier recours quand le système dérape ou refuse de changer.

Mais alors d'où vient la désinformation si elle ne vient pas de l'IA ?


Excellente question.

Alors, tout d'abord, vois-tu, la raison de la perte de confiance dans les médias est beaucoup plus ancienne qu'on ne le croit. Elle repose sur trois leviers parfois méconnus.

Premier levier : la représentativité. Regarde qui est à la tête des médias en France, et compte le nombre de personnes de couleur, le nombre de femmes, etc. Internet a permis à des millions d'individualités différentes de s'exprimer.

Deuxième levier : le paradoxe de la raréfaction de l'information. Qui crée l'information brute ? La presse écrite. Et en particulier la presse locale. Les télés et les radios (je simplifie) ne font que remixer. Aux Etats-Unis entre 2000 et 2020, un quart des journaux locaux ont fermé leurs portes. Conséquence ?

Dans les Etats où ces journaux ont disparu, on observe systématiquement une polarisation des opinions. L'émergence de Donald Trump vient de là. Bien avant Facebook.

Troisième levier : la fragilisation du modèle économique de la presse. Causé à l'origine par la concurrence publicitaire d'Internet (et les petites annonces). Et la difficulté des rédactions à se réinventer. Résultat en France, selon Reporters Sans Frontières, 90% des médias français sont aux mains des milliardaires.

Quand on regarde ces trois leviers, on comprend très bien pourquoi la méfiance monte.

Non ?

C'est à ces failles qu'il faut d'abord s'attaquer. Les fake news naissent sur la monoculture informationnelle et sur la méfiance.

L'arrivée de l'intelligence artificielle pourrait accentuer ces failles (licenciements dans les rédactions, augmentation du chaos informationnel) mais elle pourrait aussi être une partie de  la solution.

Mais comment ? Haha. Eh bien si tu avais suivi ma formation à ChatGPT, tu aurais eu un début de réponse.

L'IA peut, par exemple, donner aux journalistes les outils pour améliorer la compréhension d'un sujet complexe. Elle peut réduire nos biais, identifier les failles dans un document, pré-rédigier un article à partir d'une prise de notes. Elle peut même aider à la rédaction et à la récolte d'infos.

Tiens regarde cette étude rapportée par Nielsen qui montre qu'écrire avec l'IA permet d'écrire plus vite, mais surtout mieux que sans IA.

Et surtout, elle fait gagner du temps de cerveau afin passer plus de temps sur le terrain et produire la seule information qui ne peut pas être produite directement par l'IA : l'information exclusive.

(Enfin pas encore, hum...)


(Image générée par l'IA)

Le journalisme est attaqué de toutes parts. Il doit devenir aussi inattaquable que la science. Aussi sacré que la justice. Pourquoi la justice est-elle sacrée ? Parce que la remettre en cause, rejetter la décision des juges, rejeter le jeu parfois choquant, et pourtant noble, des avocats, ce serait rejeter tout ce qui nous permet de vivre ensemble.

Cette aura presque intouchable de l'avocat nous dit que nous avons tous le droit à  la défense. Que même l'auteur du pire des crimes ne devient coupable qu'après être passé par le rituel de la contradiction.

C'est comme ça que la société se soigne.

Le système judiciaire nous ramène à l'idée de paix sociale, même si le réel doit en souffrir.
 
La science nous ramène à l'entêtement du réel.

Le journalisme devrait nous ramener à l'entêtement des faits.

Les faits dérangent la science ? Parfait.

Les faits dérangent la justice ? Tant mieux.

Les nombreux journalistes que j'ai croisés au cours de ma carrière, dans les rédactions locales ou nationales de la presse écrite ou audiovisuelle, c'est à dire tous ceux que tu ne vois pas à la télé, qui ne gagnent pas super bien leur vie, ces journalistes ont tous été, à un moment ou un autre de leur carrière, confrontés à la fragilité de leur métier.

Être journaliste, c'est d'abord avoir peur pour son job. C'est dépendre d'abord de son actionnaire ou de l'humeur de son redac chef, avant de dépendre de son lecteur. 

Le journalisme manque encore de maturité et de garde-fous par rapport à ses deux grandes soeurs. A l'heure de l'intelligence artificielle, qui va venir percuter son métier en pleine figure, il est temps de le faire sortir de l'adolescence.
 
Tu vas peut-être me dire "on s'en fout", on peut vérifier par nous-mêmes.

Mais non.

Face au chaos de l'nfo et à un monde de plus en plus imprévisible,
nous avons besoin de plus d'automie et d'apprendre à penser par nous-mêmes.

Nous avons donc besoin d'un journalisme à la hauteur de l'époque.

Un journalisme inattaquable sur sa méthode comme sur sa transparence.

Un journalisme qui nous forme autant qu'il nous informe. 

Un journalisme qui nous aide à prendre de la hauteur au lieu de nous regarder de haut.
💡 INSPIRATIONS
Si cette lettre t'a interpellé(e), tu peux prolonger ta réflexion en lisant mon livre "Information : l'indigestion". J'y parle de médias et de désinformation, mais de plein d'autres choses aussi. Ça se lit facilement (je trouve), il y a beaucoup de sources analysées et citées (donc c'est une bonne somme à conserver pour plus tard), et il y a même quelques conseils pour protéger tes capacités d'attention. 

👉 Tu peux le commander ici ou dans toutes les bonnes librairies


(Image générée par un humain : moi)

Et si tu veux un résumé simple du livre, regarde la vidéo ci-dessous ! 👇👇
L'info en crise de foi(e) : mon interview à la télé
youtube.com - 20 mai
L'info en crise de foi(e) : mon interview à la télé

Fake News, informations sans sources, théories du complot, intelligence artificielle, addiction aux écrans… L'information est-elle en crise de foi(e) ? Comment apprendre à remuscler notre cerveau pour penser par soi-même ? Marjorie Paillon et Damien Douani m'ont reçu sur le plateau de SqoolTV (une super chaine d'infos qui parle d'éducation) pour échanger sur mon livre "Information : l'indigestion". Je développe en détail tout ce que j'ai écrit plus haut, et je parle aussi d'éducation et d'IA... (Clique sur le titre pour voir la vidéo !)

🤖 NOS AMIS LES ROBOTS

ChatGPT se connecte désormais à Internet

(Image générée par l'IA)

Enfin, uniquement si tu as la version payante. Tu peux (depuis la semaine dernière) associer des "plugins" (c'est à dire des applications) à ta requête sur le site du célèbre chatbot. Cela permet par exemple de lui demander de chercher sur Internet pour répondre à une question. Oui parce que la version précédente ne se connectait pas à Internet et ses connaissances s'arrêtaient à 2021. Attention cependant, ça ne marche pas toujours très bien, il ne récupère pas forcément les bonnes infos et parfois invente les liens.

À noter également que ChatGPT est désormais disponible sur iPhone, sous forme d'application. Tu peux aussi interagir avec lui par la voix. L'application est pour l'instant uniquement accessible depuis les États-Unis. 
Et pendant ce temps...
frenchweb.fr - 19 mai
Et pendant ce temps...

Sam Altman, le PDG d'OpenAI (ChatGPT), a affirmé devant une commission parlementaire américaine l'importance cruciale de la régulation gouvernementale de l'intelligence artificielle (IA) pour minimiser ses risques. Il souligne le besoin de développer l'IA avec des valeurs démocratiques, appelant le leadership des États-Unis à agir. Il propose la création d'une nouvelle agence fédérale pour surveiller et autoriser les organisations qui développent des systèmes d'IA. Altman a également mis en garde contre les risques de trop de régulation, notant que cela pourrait donner à d'autres pays, comme la Chine, un avantage. Il plaide pour une réglementation qui n'étouffe pas la recherche indépendante et se concentre sur les entreprises dominantes. Tout en reconnaissant les risques, Altman maintient que l'IA a le potentiel d'améliorer tous les aspects de nos vies et de résoudre d'importants défis mondiaux.

🇬🇧 L'apocalypse n'est pas pour demain. Nous devons résister au cynisme et à la peur de l'IA
theguardian.com - 15 mai
🇬🇧 L'apocalypse n'est pas pour demain. Nous devons résister au cynisme et à la peur de l'IA

Dans cet article super intéressant (le plus nuancé que j'ai lu ces deux dernières semaines), Stephen Marche critique le "doomerisme" en intelligence artificielle (IA), c'est-à-dire la tendance à prédire des scénarios apocalyptiques liés à l'IA. Il soutient que cette peur est en partie due à notre résistance naturelle à ce qui est nouveau et étrange, et en partie à la représentation de l'IA dans les films comme une menace pour l'humanité. Marche affirme que le "doomerisme" technologique est une forme de publicité, utilisée pour exagérer l'importance des nouvelles technologies. Il donne l'exemple de prédictions passées selon lesquelles WeWork mettrait fin à l'immobilier commercial, la crypto-monnaie abolirait les banques centrales, et le métaverse mettrait fin aux rencontres en personne. Il souligne que les véritables inquiétudes concernant l'IA ne sont pas liées à l'IA elle-même, mais à des problèmes politiques et sociaux préexistants, comme la désinformation et l'érosion de la classe moyenne par l'automatisation. Il critique également l'idée que l'IA puisse prendre le contrôle du monde, qu'il qualifie de crainte religieuse plutôt que scientifique. Marche conclut en appelant à une approche plus nuancée et moins alarmiste de l'IA, en suggérant que nous devrions chercher à comprendre cette "nouvelle venue" avant de la condamner.

😻 LES FORMATIONS FLINT
Sinon, au cas où tu l'aurais raté, j'ai lancé il y a quelques semaines la version "entreprise" de la formation "ChatGPT sans bullshit" et j'ai reçu plein de demandes. Mais comme c'est la première fois que je gère ce genre de choses, j'ai dû apprendre à naviguer dans les particularités de ce type de services. Par exemple, en entreprise, les formations doivent être conventionnées pour être remboursées. Comment faire ? J'ai donc fait appel à une société de formation avec qui nous partageons les mêmes valeurs, et elle a accepté de s'occuper de toute la paperasse et des obligations inhérentes à ce type de formations.

Donc c'est officiel, Flint peut désormais former ta boîte à l'intelligence artificielle !

Pour en savoir plus, j'ai réalisé une jolie page avec mes petits doigts. Tu peux la découvrir ici et prendre rendez-vous si tu veux.

👉 Découvrir la formation "ChatGPT sans bullshit" pour les entreprises.
🧠 LE CERVEAU ET NOUS
Inaction climatique : la faute aux biais cognitifs ?
radiofrance.fr - 18 mai
Inaction climatique : la faute aux biais cognitifs ?

Quand on parle de changement climatique c’est rarement le cerveau qui nous vient à l’esprit pour tenter de l’expliquer. Un phénomène aussi complexe peut-il être expliqué par un simple “bug” comme beaucoup l'affirment ? Les sciences cognitives abordent la question de manière moins fataliste. Dans ce podcast de France Culture les scientifiques expliquent qu'il faudrait peut-être impliquer les neurosciences dans les rapports du GIEC pour comprendre comment agir le plus efficacement possible.

🎙 LES GUERRES DE L'INFO
🇬🇧 Un GIEC du dérèglement informationnel ?
informationdemocracy.org - 17 mai
🇬🇧 Un GIEC du dérèglement informationnel ?

Cent chercheurs appellent à la coopération avec l'Observatoire sur l'Information et la Démocratie, une entité similaire au GIEC pour l'espace informationnel. Selon eux, l'influence croissante des entreprises privées sur l'information et la communication, sans régulation ni responsabilité, a nui au débat public et à la démocratie. L'Observatoire publiera des rapports d'évaluation basés sur toutes les recherches et données disponibles, favorisant un dialogue entre chercheurs et décideurs politiques. Les chercheurs invitent les pays démocratiques, les entreprises technologiques, la communauté de recherche et la société civile à coopérer avec l'Observatoire.

🧐 ESPRIT CRITIQUE ES-TU LÀ ?
Les fake news des IA deviennent si réalistes que des médias s’y trompent
numerama.com - 15 mai
Les fake news des IA deviennent si réalistes que des médias s’y trompent

L'histoire est complètement folle, et nous interroge plus sur les compétences des journalistes face à l'intelligence artificielle que sur l'IA elle-même. Une fausse tribune, générée par l'intelligence artificielle GPT-4 (celle qui est derrière ChatGPT) a été reprise par le prestigieux quotidien irlandais "The Irish Times". Pour ne rien arranger, la tribune était super polémique et a fait le buzz avant qu'un certain nombre de personnes sur Twitter commencent à se poser des questions sur la véracité de l'histoire. Le journal a reconnu avoir été victime d'un canular (la photo de l'auteure de la prétendue tribune était pourtant manifestement générée elle aussi par une IA) et a supprimé l'article. Il y a du boulot !

🤖 LES AVENTURES DE FLINT ET SES AMIS
Les retrouvailles...
linkedin.com - 19 mai
Les retrouvailles...

Que se passe-t-il quand on retrouve son associé un an après avoir quitté la France pour travailler à distance depuis Bali ? J’ai retrouvé mon associé et co-fondateur de Flint , Thomas Mahier , à Aix-en-Provence pour une journée de réflexion et d’expérimentation. Parce qu’on ne se reverra plus avant un an ! (Je repars à la fin du mois) Travailler à distance pendant un an nous a aidé à mieux collaborer. Chacun était plus autonome, plus responsable mais aussi plus heureux dans son activité. Dans cette petite vidéo, Thomas et moi t'emmenons dans les coulisses du nouveau modèle d’intelligence artificielle de Flint (nom de code "FlintGPT") qui sera lancé en juin. Comment nous y prenons-nous pour que je puisse être au même niveau de compréhension de l’IA que lui, qui a le nez dans le code toute la journée ? Réponse dans la vidéo 😁 (Clique sur le titre pour la voir)

🥳 IL EST OÙ LE BONHEUR ?
C'est toi qui contrôle l'éclairage public
marcelle.media -  9 mai
C'est toi qui contrôle l'éclairage public

J'adore cette histoire ! À Urrugne (pays basque) tu peux éteindre ou allumer les réverbères dans la rue grâce à une application mobile. Pourquoi ? Pour économiser de l'énergie, à protéger la faune nocturne et à minimiser la pollution lumineuse. "J'allume ma rue" est un système innovant français développé par Olivier Bozzetto et la société Odelco qui permet aux communes de réduire l'éclairage public pendant une partie de la nuit, tout en donnant aux résidents la possibilité de le rallumer si nécessaire.

🧰 TROUVAILLES
🇬🇧 DragGAN: la prochaine révolution de l'image ?
vcai.mpi-inf.mpg.de - 20 mai
🇬🇧 DragGAN: la prochaine révolution de l'image ?

Si tu n'en as pas encore entendu parler, ça ne saurait tarder. Cette innovation impliquant plusieurs universités américaines et Google permet de manipuler une image par simple "drag and drop" (glisser-déposer en français) c'est à dire qu'il suffit de tirer l'image dans le sens où tu veux pour faire sourire un visage, changer de position un tigre, faire courir un cheval à l'arrêt. N'importe quelle photo peut être manipulée aussi naturellement que l'on fait bouger un objet en 3D. C'est, encore une fois, à la fois super utile et potentiellement dangereux si l'on s'amuse à détourner des images réelles. Et surtout, le code est disponible en "open source" (c'est à dire gratuit et téléchargeable) pour qui veut jouer avec ou l'intégrer dans ses applications (et le faire évoluer) en allant sur le site. Tu vas me demander : "mais que veut dire GAN ?" Eh bien c'est une "vieille" technologie d'IA générative d'image (GAN = Generative Adversarial Network), qui semble avoir trouvé une seconde jeunesse avec ce projet !

🙈 DES NOUVELLES DE SAPIENS
🇬🇧 L'âge de l'atomisation
techpolicy.press -  5 mai
🇬🇧 L'âge de l'atomisation

Voici une analyse brillante qui te fera réfléchir. Dans cet article, "The Age of Atomization", Flynn Coleman explore l'impact de la technologie sur la société. Selon Coleman, alors que les technologies émergentes promettaient de nous unifier, elles révèlent une société qui ne peut soutenir cette trajectoire, conduisant à une nouvelle ère qu'elle appelle "l'âge de l'atomisation". Notre réalité se morphe en une forme de plus en plus virtuelle, nos personnalités se fragmentent en simples bits de données, vendues au plus offrant. Nos vies deviennent sur-personnalisées, dépendantes de nos machines. Les processus démocratiques, la correspondance, le divertissement et l'acquisition de connaissances sont tous de plus en plus relégués à nos avatars, points sur une carte dépourvus de véritable contact humain. Coleman propose de créer des "tiers-lieux numériques", des destinations en ligne non commerciales organisées par des personnes et des algorithmes sans motifs de profit et imprégnées d'humanité. Des projets comme New Public, qui encourage la création de "espaces publics numériques sains", sont des prototypes pour réinventer les systèmes sociaux en ligne au bénéfice du plus grand nombre. Enfin, elle insiste sur la nécessité de devenir plus conscients des dommages potentiels de la technologie et de lutter contre la création de murs numériques autour de nous.

🤗 PARTAGE OU ABONNE-TOI !
🥳 Vous avez été 10796 à avoir lu la dernière lettre. Sur un total de 20365 abonnés francophones ! Merci !

💌 Si tu veux partager cette lettre, tu peux renvoyer vers ce lien.

📩 Si on t'a transféré cette lettre, tu peux aller t'abonner ici !

📭 Si tu veux lire les précédentes lettres, c'est par là !

🦾 Si tu veux découvrir la version pro de Flint, c'est ici.

🤗 Et tu peux aussi me rejoindre sur Instagram ou sur Linkedin !

🤫 Je te souhaite une belle fin de long week-end de mai. En ce moment je suis dans les Alpes et il pleut ! ☔️

Si tu veux partager tes réflexions, réponds à cette lettre ou écris-moi à benoit @ flint.media !

💚 Benoît
Flint

Cette lettre a été réalisée par Flint Business. Flint utilise l'intelligence artificielle pour te permettre de créer des newsletters intelligentes en moins de 5 minutes afin de partager les meilleurs contenus d'information trouvés sur Internet, et d'y apporter (si tu veux) ton expertise. Tu peux tester ce nouveau service pendant 30 jours en cliquant sur le logo Flint ci-dessus ! ☝️